Entre film policier et dénonciation d’un fait de société, le réalisateur déroule de façon implacable les violences policières, en ancrant le récit à travers le quotidien de plusieurs personnages, représentant chacun un point de vue différent.
DOSSIER 137 de Dominik Moll. France, 2024, 1h56. Avec Léa Drucker, Jonathan Turnbull. Festival de Cannes 2025, compétition officielle.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
En décembre 2018, de violentes manifestations ont lieu dans toute la France, à l’appel des gilets jaunes, un mouvement de révolte populaire, démarré quelques mois plut tôt avec la hausse du prix des carburants. Le 18 décembre, l’avenue des Champs-Elysées est saccagée et de nombreux manifestants et membres des forces de l’ordre sont blessés, certains grièvement. La commandant Stéphanie Bertrand travaille à l’IGPN, le service chargé d’enquêter sur les dysfonctionnement des services de police. Parmi les nombreux dossiers qui arrivent à ce moment-là dans son bureau, le dossier 137. Il va mettre Stéphanie dans une situation délicate et permettre au réalisateur de mettre en scène les différentes tensions internes dans la police et dans la société.

Dans le rôle de Stéphanie, l’actrice Léa Drucker est impressionnante. A la fois femme et membre des forces de police, un milieu très viril, l’actrice sait se fondre dans son personnage ordinaire. Prenant à la fois de la distance avec son enquête et avec l’émotion devant le récit des différentes victimes. Son quasi monologue à la fin du film, un long plan séquence où elle est traversée par différentes émotions, est un grand moment de cinéma.
Loin d’être un long-métrage sur un fait de société français, Dossier 137 montre combien, même dans les démocraties les plus anciennes, le rôle de la police dévolu aux gouvernements en place, est sans cesse source de tension. Ente la répression des débordements lors de manifestations, la protection des individus et des institutions du pays, les forces de police sont souvent l’objet de mépris lorsqu’elles interviennent, et de colère lorsqu’elles n’interviennent pas.
Le scénario de Dominik Moll et les dialogues préparés avec Gilles Marchand, montrent bien toute la complexité des citoyens face à leur police, et des policiers dans l’exercice de leur fonction. Alternant les faux documents d’archives et les interrogatoires entre les différents témoins, Dossier 137 respecte les codes des films policiers pour mieux s’en détacher. L’enquête, menée avec une douce ténacité, fait monter la tension, mais ce n’est peut être pas le sort des coupables qui est le véritable enjeu mais celui de toute démocratie lorsque le peuple est en colère.
Magali Van Reeth

