Portrait d’une mère qui se heurte au temps long de la justice alors qu’elle tente de protéger son fils. C’est une œuvre qui questionne le système judiciaire et rend hommage aux mères qui se battent pour que leurs enfants victimes de violences soient écoutés.
ON VOUS CROIT de Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys. Belgique, 202, 1h18. Avec Myriem Akheddiou, Laurent Capelluto, Natali Broods, Ulysse Goffin, Adèle Pinckaers, Alisa Laub. Berlinale 2025, section Perspective.
Critique de Philippe Cabrol, SIGNIS France
Le film commence avec la panique d’une mère qui ne maîtrise pas son fils. Alice est particulièrement nerveuse, car elle doit emmener son fils Étienne, 10 ans, et sa fille Lila, 17 ans, à une audition pour leur garde. Ils sont au bord de la rupture. Ils ont rendez-vous avec la juge des affaires familiales.

L’audience commence et On vous croit va nous donner à la vivre en temps réel pendant 55 minutes au cours desquelles chacun va donner son point de vue sur les faits dont est accusé le père. On assiste à un huis clos où s’affrontent cinq discours contradictoires en un drame poignant. Devant la juge des affaires familiales, l’avocate d’Alice, l’avocat du père, l’avocat des enfants développent leurs plaidoiries. Tous doivent s’écouter malgré leur colère, leur souffrance.
Ce qui est frappant dans cette scène majeure de ce film, ce sont les qualités humaines et professionnelles de la juge qui mène l’audition des parents. On vous croit nous montre une juge très respectueuse des parties, qui n’est jamais dans le jugement, toujours à l’écoute, qui laisse la place pour s’exprimer de manière bienveillante.
Autour de cette mère, la tension s’installe ainsi, entre paroles des avocats et des conseillers, jusqu’à ce que celle-ci puisse elle-même s’exprimer, les dialogues soulignant le manque d’appui et d’accompagnement dans pareille situation. À l’aide de répliques cinglantes, c’est tout un système qui est interrogé mais aussi l’importance de la parole des enfants qui est remise au centre du jeu. Le titre du film On vous croit pourrait s’expliquer par le fait que les adultes doivent écouter la parole des enfants, la prendre en compte et la protéger
Le film questionne sur la parole et surtout sur la qualité de l’écoute. Chaque mot pèse, chaque regard compte. Dans ce huis-clos judiciaire, l’important est moins celui qui parle, que celui qui écoute : les regards, les hésitations et les micro-réactions deviennent le véritable terrain de bataille. Ce long-métrage interroge aussi sur la recherche de vérité, sur le fait de croire ou non. Alice et ses enfants voudraient entendre dire « on vous croit » et que, de cette confiance naisse une véritable protection.

Le film parvient à montrer la dichotomie entre deux violences : celle, intime et destructrice, des violences sexuelles, et celle, institutionnelle et froide de la justice. Les interprètes portent ce dispositif avec justesse.
Charlotte Devillers, infirmière de profession, réalise avec On vous croit son premier film. Son expérience auprès de jeunes et de familles confrontés à la problématique des violences sexuelles a contribué à nourrir la réflexion de ce long-métrage.
Avec une grande économie de moyens, un format carré qui accentue la sensation d’étouffement, le choix d’un lieu unique : un bureau de justice (la scène centrale a été filmée en temps réel, avec trois caméras fixes), une ambiance clinique, un décor minimaliste, des visages cadrés de près, ce premier long métrage est d’une efficacité saisissante. De plus la cohabitation d’acteurs professionnels et de véritables avocates, apporte un plus à un scénario déjà riche en suspens.
Philippe Cabrol

