MédiasLes Chroniques CinémaUNE AFFAIRE DE PRINCIPE d'Antoine Raimbault

UNE AFFAIRE DE PRINCIPE d’Antoine Raimbault

Cette adaptation cinématographique s’inspire d’un chapitre du livre Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe de José Bové et Gilles Luneau (2015) et relate une affaire véritable où le droit d’un homme bafoué a triomphé.

UNE AFFAIRE DE PRINCIPE d’Antoine Raimbault. France, 2024, 1h35. Avec Bouli Lanners, Thomas VDB, Céleste Brunnquell.

Critique de Chantal Laroche Poupard, SIGNIS France

Antoine Raimbault a déjà montré sa passion pour la justice dans son long-métrage Une intime conviction (2019). Dans ce nouveau film, la démocratie montre son pouvoir pour trouver le chemin de la vérité.

En 2012, le commissaire à la santé et à la protection des consommateurs John Dalli, est sommé par le président de la Commission européenne José Barroso de démissionner et ce pour soupçon de corruption dans l’industrie du tabac.

Cette affaire, par son opacité, surprend le député européen José Bové qui décide alors de mener une enquête avec ses assistants parlementaires. Ils vont alors se livrer à une enquête fouillée et découvrir un véritable complot ourdi jusqu’au plus haut sommet des instances européennes en faveur de l’industrie du tabac et ce contre la préparation de la Directive européenne de la santé. Ils apprennent de surcroît qu’il y a eu des permutations d’avocats entre l’Olaf / Office européen de la lutte anti-fraude et l’industrie de tabac.

Ce long-métrage est mené comme un triller : ce n’est pas le pouvoir qui est en première ligne mais le contre-pouvoir, ici incarné par l’eurodéputé José Bové et son équipe, ce que le réalisateur a voulu porter à l’écran. Dans cette  »affaire de principe », il illustre la lutte pour faire respecter la démocratie et l’état de droit face à la puissance grandissante des lobbies.

Il nous conduit également dans les méandres institutionnels de Bruxelles, dans le décryptage des rouages de prise de décision. Toute l’ambition du film est là : filmer le travail des personnages au cœur de l’institution de manière ludique et cinématographique. Il y a une vraie dimension pédagogique dans le film, avec des conférences de presse, des enregistrements sur portable d’une confession qui devient une révélation, dans ce « thriller de bureau » comme dira le réalisateur.

Le Parlement européen devient le décor du film avec ces couloirs interminables, ces parois du bureau ou d’ascenseurs transparentes qui sont les symboles de la démocratie et de la vérité tout comme ce toit transparent du Parlement filmé en plongée dans une superbe séquence.

Antoine Raimbault a été monteur pendant des années avant de réaliser des films, si bien qu’il développe son scénario au rythme de la réalité, parfois temps arrêté de respiration et de réflexion, parfois temps accéléré et intense au grès de l’avancée de l’enquête.

Quant aux acteurs, ils sont attachants : Bouli Lanners dans la peau de José Bové, est plus vrai que vrai : ténacité, acteur, réalisateur, mais aussi artiste peintre et directeur d’un théâtre de marionnettes, il a quelque chose du contestataire qu’est l’eurodéputé José Bové. La jeune Clémence (Céleste Brunnquell), qui au départ a choisi son stage  »par défaut » au côté de l’équipe d’attachés parlementaires de José Bové, se prend au jeu à tel point que sa ténacité et sa perspicacité permettront à l’enquête de rebondir et d’aboutir : l’hymne Européen résonnera alors dans cette Ode à la joie de la 9ième Symphonie de Beethoven dont on peut citer quelques superbes paroles de son auteur Friedrich Schiller : ‘Que la joie qui nous appelle nous accueille en sa clarté ».

La clarté étant faite sur cette affaire, la Directive européenne qui avait été proposée par le commissaire européen à la santé John Dalli sera finalement adoptée à la majorité et à la grande satisfaction du Parlement européen et de l’équipe de José Bové. Comme quoi le pouvoir du Parlement européen est capital car il dispose entre autres d’un droit de  »constituer des commissions temporaires d’enquête en cas infraction ou de mauvaise application du droit communautaire », ce que Antoine Raimbault a magistralement montré aux spectateurs de l’Union européenne, à la veille du renouvellement de ses députés.

Chantal Laroche Poupard

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