A travers le regard interloqué puis émerveillé d’une toute petite fille, c’est l’éveil à la vie que célèbre ce très joli film d’animation. Malgré les dangers, les peines et les ruptures, la présence au monde devient une belle aventure.
AMELIE ET LA METAPHYSIQUE DES TUBES de Maïlys Vallade et Liane-Cho Han. France, 2025, 1h17. Film d’animation, à partir de 8 ans. Festival de Cannes 2025, séance spéciale. Festival international du film d’animation d’Annecy 2025, compétition officielle, prix du public.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
Amélie a une très haute idée d’elle-même et, encore dans les limbes, elle se prend pour Dieu, surpuissante et adulée et ne voit pas pourquoi elle se mêlerait au reste du monde, à commencer par sa famille. Une famille belge, habitant au Japon car le père est diplomate. La mère est musicienne et il y a deux autres enfants, qui se chamaillent en permanence. Comment ce bébé, entièrement tourné vers ses besoins primaires (emplir et vider les tubes qui parcourent son corps) va t-elle prendre conscience de son entourage, de sa famille ?

Le scénario d’Amélie et la métaphysique des tubes s’inspire du roman d’Amélie Nothomb. Le dessin animé, où se mêlent la vivacité des couleurs et la douceur du trait de crayon, donne un côté joyeux et plein d’entrain à l’ensemble. Le récit est raconté du point de vue, et des malentendus, du bébé, et donc à hauteur de son regard. Les réalisateurs lui ont donné de grands yeux couleur d’émeraude, pour mieux découvrir le monde, et affirmer son appartenance au Japon, où les personnages de films d’animation ont toujours de grands yeux ronds. Les autres personnages, qu’ils soient Européens ou Japonais, ont des visages plus classiques.
Comme la bande son, le graphisme est soigné. La découverte du jardin au printemps est un enchantement où les gouttes de pluie sur les feuilles scintillent, où la mare reflète le ciel. Dans la maison, Amélie, de sa toute petite hauteur, suit les pieds des autres membres de la famille qui vont et viennent à leur rythme. Elle s’attache à Nishio-san, la jeune femme japonaise chargée de seconder sa mère. Plus tard, il y aura l’hiver et le crissement des pas dans la neige et les lumignons de la fête des morts, une scène émouvante, anticipation du deuil et de la possibilité de la consolation.

Comme les jeunes enfants qui ont souvent du mal à comprendre la marche du monde et des adultes, la mise en scène s’amuse à déstabiliser le spectateur par des plans inhabituels – qui ne sont que le regard d’Amélie entre 2 et 3 ans. Maïlys Vallade et Liane-Cho Han ont su trouver des réponses visuelles à la délicatesse qu’ils voulaient obtenir pour évoquer les sujets les plus difficiles, comme la guerre racontée à travers la préparation d’un ragoût dont la cuisson finit par déborder dans un tintamarre de couvercle.
Au fil des mois et des saisons, superbement illustrées, Amélie apprend qu’elle n’est pas Dieu. Elle ne peut pas imposer sa volonté aux autres ou à sa famille, elle fera connaissance avec la mort et la rupture. Mais cette conscience s’accompagne d’une ouverture en dehors d’elle-même, d’une plus grande sensibilité au monde. Un monde plein de surprises, de dangers, de deuils mais aussi l’apprentissage du désir et de la découverte, du réconfort de la mémoire et des souvenirs, de la joie.
Magali Van Reeth