Serons-nous séduits par l’énigmatique Rietland, ville située au nord des Pays-Bas, isolée au milieu des roseaux, au climat rude, pluvieux, venteux, brumeux, dans une ruralité d’hommes ? Le métier de « coupeur de roseaux » perdure dans cette région, qui fournit la matière première pour la construction des toits de chaume, malgré une concurrence européenne ou chinoise féroce.
REEDLAND – RIETLAND de Sven Bresser. Pays-Bas/Belgique, 2025, 1h51. Avec Gerrit Knobbe, Loïs Reinders, Vincent Linthorst, Anna Loeffen. Festival de Cannes 2025, sélection Semaine de la critique.
Critique de Diane Falque, SIGNIS France
Dès l’ouverture du film, nous sommes submergés par les roseaux, en plein écran comme une nature qui nous dépasse. Et très vite éblouis par les feux de broussaille dans la plaine, la caméra fixe les flammes gigantesques rouges et dans un silence profond monte le crépitement. Ce film nous offre littéralement une expérience sensorielle.

A la manière d’un documentaire, le réalisateur prend le temps de nous introduire dans ce milieu rural et austère, retiré du monde, où les plaines s’étendent à perte de vue et l’habitat reste clairsemé et délabré. Au milieu des feux, un homme âgé et solitaire coupe méticuleusement les roseaux d’un geste sec et précis, les lie et brûle les déchets, comme un rituel quotidien. Johan vieillit seul dans sa ferme avec sa petite fille de 11 ans Dana, qu’il garde épisodiquement et sa fidèle jument Grise. Il travaille encore à l’ancienne et ne veut rien changer. La vie ici est rustique tout comme l’intérieur des maisons qui offre surtout le confort de la chaleur et d’une soupe, au rythme de l’horloge.
Lorsque le drame a lieu – une jeune fille est retrouvée morte au milieu des roseaux – le film bascule en véritable thriller psychologique, où la noirceur prend le dessus. Confronté au mal, Johan est bouleversé. La caméra de Sven Bresser le suit en gros plan, visage fermé, sculptural, à la fois si dur et si doux. Nous entrons dans son intérieur physique et psychique, où se lit le combat du Bien et du Mal, de la culpabilité et de l’innocence. Nul besoin de mots : Johan – admirablement interprété par Gerrit Knobbe – est taiseux, au rythme de la fauche des roseaux, entre feu et tempête. Le meurtre de cette jeune femme interroge l’ensemble de la communauté. Sillonnant en 4X4 les routes rectilignes, désertiques, observant les nuits noires aux alentours, notre héros parvient à nous faire partager ses doutes et ses craintes. Véritable quête existentielle où la frontière entre réalité et fantastique se brouille.

L’immensité de l’horizon et l’intensité des bruits ajoutent au suspense, entre ombre et lumière, ambiguïté et mystère. Certes les plans un peu décousus nous perdent, mais la photographie poétique et fantastique de cette campagne à perte de vue, où ciel et terre s’embrassent, où les roseaux sont balayés par les vents, nous magnétise littéralement et, osons l’avouer, fait que nous ne nous sentons plus sûrs de rien.
Diane Falque

