MédiasLes Chroniques CinémaTHE PHOENICIAN SCHEME de Wes Anderson

THE PHOENICIAN SCHEME de Wes Anderson

Le style de Wes Anderson est reconnaissable entre mille avec ses images de bande dessinée, ses plans fixes dans des décors superbes à la théâtralisation assumée, plein de détails d’une précision calibrée. Cinéma qui pourrait verser dans l’exercice de style, dans la préciosité ou dans un artificiel sans âme, mais l’invraisemblance de l’histoire n’empêche pas le réalisateur de nous conduire ici jusqu’à l’humanisation de son personnage principal.

THE PHOENICIAN SCHEME de Wes Anderson. Etats-Unis/Allemagne, 2025, 1h41. Avec Benicio de Toro, Mia Threapleton, Michael Cera, Scarlett Johansson, Bill Murray, Charlotte Gainsbourg, Mathieu Amalric. Festival de Cannes 2025, compétition officielle.

Critique de Bernard Bourgey, SIGNIS France

Soit donc l’histoire mouvementée de Zsa-Zsa Korda (Benicio del Toro, géant qui porte le film), négociant à la fortune colossale, capitaliste sans scrupules et sans pitié – Monsieur 5% de commissions occultes – qui n’hésite pas à affirmer « je me passe de mes droits de l’homme».

Son avion privé est régulièrement pris pour cible par un consortium de rivaux. Chaque fois, il survit après être passé par une « expérience de mort imminente » qui l’envoie dans des nuées en noir et blanc, jusque devant Dieu le Père lui-même (Bill Murray).

On n’est pas surpris de trouver chez Wes Anderson tout un bric-à-brac de règlements de comptes, de projet fumeux de barrage en Phénicie, entravé par une flambée – commanditée par ses rivaux – du prix des rivets nécessaires à la construction, de boites à chaussures renfermant les plans de l’homme d’affaires qui offre à ses interlocuteurs des grenades comme on donnerait des porte-clés publicitaires, de rencontres entre Korda et les partenaires financiers qu’il veut convaincre, jusqu’au fond d’une galerie où le défi se joue autour d’un panier de basket.

Conscient que la mort viendra bien un jour, notre antihéros, père de neuf garçons dont il ne se soucie guère et d’une fille novice religieuse, Liesl (Mia Threapleton), va retrouver cette dernière – qui va révéler un caractère bien trempé – pour en faire sa seule héritière et l’entraîner dans ses aventures aux côtés de Bjorn, assistant (peut-être espion), spécialiste des insectes, désopilant Michael Cera ! Mais les retrouvailles avec sa fille vont évoluer vers une re-filiation.

Ses affaires qui périclitent, son projet phénicien qui prend l’eau mais qu’il sauve en se ruinant, ses «morts imminentes » qui sont peut-être un purgatoire, et lui font prendre conscience que toute cette poursuite des biens matériels ne le mène nulle part et que toutes les pierres précieuses qu’il offre à Liesl la laissent indifférente.

Korda le puissant va accepter de se délester de son fardeau mortifère, va suivre un chemin de rédemption en se mettant d’égal à égal avec sa fille dans la gestion d’un restaurant – point de chute inattendu. La musique d’Alexandre Desplat accompagnant remarquablement cette évolution.

Sacré Wes Anderson, inventeur au rythme frénétique, dont les personnages sont des proches de Tintin, de Monsieur Hulot ou de Blake et Mortimer, qui cache sous les trompes l’œil une grande subtilité !

Bernard Bourgey

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