Le roman autobiographique et éponyme, écrit en 2017 par Clémentine Autain, députée française et fille de l’actrice Dominique Laffin, résonne étrangement pour la réalisatrice Romane Bohringer. Toutes deux, la brune et la blonde, ont perdu leur mère précocement. Deux mères, deux filles et une même histoire.
DITES LUI QUE JE L’AIME de Romane Bohringer. France, 2025, 1h32. Avec Romane Bohringer, Clémentine Autain, Eva Yelmani, Liliane Sanrey-Baud
Critique de Diane Falque, SIGNIS France
En reprenant la trame du livre, c’est avec beaucoup de courage que chacune à leur tour ou ensemble, devant la caméra fixe, vont oser raconter avec justesse les souvenirs, les manques, les incompréhensions face à la dépression ou à l’addiction de leur mère. Sans détour, avec beaucoup de justesse, elles sont bouleversantes. Il n’y a pas de faux-semblants, seulement des silences et quelques larmes parfois.

Lorsque l’une parle, l’autre se dit que c’est exactement comme cela qu’elle pourrait décrire une situation identique. « Ce livre, c’est ma parole » nous livre Romane. L’appartement avec la vaisselle qui s’amoncelle dans la cuisine, la petite fille dans le couloir qui a peur seule et qui attend le retour de sa mère… les souvenirs de l’une résonnent chez l’autre. Mêmes angoisses aussi lorsque chacune devient maman à son tour parce qu’elles portent en elles les mêmes souffrances, les mêmes obsessions à vouloir bien faire. Toutes les deux se sont construites en opposition, avec l’envie de faire autrement, l’envie de réussir, comme une chape de plomb.
Chacune se fait l’écho de l’autre, nous livrant des petits bouts de vie comme un précieux héritage. Aux questions posées par sa psy, Romane répond souvent « je ne sais pas » et ce documentaire va lui permettre de poser des mots sur les silences. Ce film lui offre un déplacement vers le passé sur lequel elle avait mis un voile. Alors elle rouvre une boite à secrets, qu’elle avait enfouie dans une armoire. Sous le regard de son fils en arrière-plan, elle relit d’anciennes lettres de sa mère, elle récupère les témoignages d’anciens amis qui l’ont connue.
Ce film, elles l’ont construit ensemble, dans un format docu-fiction. Documentaire car Romane et Clémentine jouent finalement leur propre rôle – cela sera décidé après l’essai de plusieurs actrices. L’alternance avec la fiction apporte alors une tonalité singulière à leurs témoignages. Le duo d’actrices Eva Yelmani et Liliane Sanrey-Baud qui interprètent admirablement quelques moments de vie de Dominique et sa fille, nous positionnent comme voyeurs impuissants, mesurant le mal-être et l’amour fragile.

Il propose un cheminement qui va de la colère au pardon. « L’occasion de nous arrêter chacune et de regarder les blessures en nous ». Il vise à réparer, à réhabiliter ces mères qui étaient dans l’incapacité de s’occuper de leur enfant, des femmes en quête de liberté dans une période post Mai 68 et qui se sont perdues.
Extrêmement émouvant, ce film va certainement leur offrir à chacune un nouveau souffle, car indéniablement un travail intérieur est en route. C’est aussi un message universel qui s’adresse à nos sociétés où des centaines de femmes aujourd’hui peuvent connaître les mêmes difficultés. Rien n’est plus précieux que l’amour d’une mère.
Diane Falque

