MédiasLes Chroniques CinémaJEAN VALJEAN d'Eric Besnard

JEAN VALJEAN d’Eric Besnard

Le réalisateur choisit de mettre en scène l’un des épisodes les plus marquants du grand roman de Victor Hugo, la conversion de Jean Valjean. Comment un homme brisé par la violence d’un système peut changer de vie et prendre son destin en main ?

JEAN VALJEAN d’Eric Besnard. France, 2025, 1h38. Avec Grégory Gadebois, Isabelle Carré, Bernard Campan, Alexandra Lamy.

Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France

Bien sûr, des spécialistes de Victor Hugo, des lecteurs enthousiastes du roman Les Misérables et des grincheux tourneront le dos au nouveau film d’Eric Besnard et c’est bien dommage. Comme l’indique le titre du film, le réalisateur s’intéresse uniquement à la sortie du bagne de Jean Valjean et à la rencontre d’un homme perdu avec un évêque bienveillant.

Pour ceux qui n’auraient pas lu le livre, le film permet de rappeler la violence des bagnes français, la pauvreté et la misère qui régnaient alors dans les campagnes au début du 19° siècle. Et les décisions fracassantes d’une justice qui envoyait alors au bagne pour 5 ans un jeune homme qui avait volé un pain pour nourrir sa famille.

Le réalisateur s’intéresse à cet homme de 46 ans qui, après avoir passé 20 ans au bagne et s’être imprégné de la violence du lieu, ne connaît que la méchanceté, la méfiance et la force lorsqu’on le libère. Ne sachant où dormir, on lui conseille de frapper à une porte où un curé l’accueille spontanément, avec douceur. Porté par l’acteur Grégory Gadebois, le film est centré sur la conversion de Jean Valjean : comment un homme devenu méchant malgré lui peut se transformer au contact d’un geste d’humanité ?

Sans discours moralisateur, le récit avance sur le visage du comédien où passent la stupeur et l’incompréhension face aux réactions bienveillantes de l’évêque Myriel. Dans la nuit, des pensées terribles assaillent Jean Valjean, avide de vengeance et de justice. Tout est sombre dans cette nuit et cette maison où on vit sans ostentation. Tout est sombre et méfiance pour cet homme construit dans le système carcéral d’une société injuste et violente pour les plus pauvres, cette injustice que Victor Hugo ne cessera de dénoncer. Il faudra attendre la lumière du jour, et le geste inouï du prêtre, pour que l’homme méchant soit enfin touché par la rédemption.

Dans l’histoire du cinéma, il y a eu beaucoup d’adaptations des Misérables mais il est toujours difficile de condenser un tel roman, et tant de personnages, en deux heures de films. Le réalisateur a astucieusement choisi un passage du livre, très court mais essentiel pour le déroulement de la suite. La transformation d’un personnage, grâce aux gros plans, à la bande son, aux éclairages, aux mouvements de caméra que le cinéma permet, est rendue palpable à l’écran. Le choix des acteurs, aussi participe à l’ensemble. Comme Bernard Campan est surtout connu pour être un acteur de comédie, le spectateur, comme Jean Valjean, est lui aussi surpris par la douceur et l’humilité de ce personnage. Enfin, Grégory Gadebois, qui a l’âge de Jean Valjean à sa sorti du bagne, en l’incarnant pleinement nous permet de ressentir toutes les frayeurs, les doutes, les colères et les interrogations de ce personnage hors du commun.

Magali Van Reeth

Latest

More articles