MédiasLes Chroniques CinémaTHE CHRONOLOGY OF WATER de Kirsten Stewart

THE CHRONOLOGY OF WATER de Kirsten Stewart

C’est le premier film en tant que réalisatrice de l’actrice américaine Kirsten Stewart. D’après le roman autobiographique de Lidia Yuknavitch, le long-métrage est résolument optimiste et profond. Il insiste sur la résilience d’une femme qui, en abandonnant la haine et en choisissant le pardon, vit une véritable épiphanie.

THE CHRONOLOGY OF WATER de Kirsten Stewart. Lettonie/France/Etats-Unis, 2025, 2h08. Avec Imogen Poots, Thora Birch, James Belushi, Charlie Carrick. Festival de Cannes 2025, sélection Un Certain Regard.

Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France

La jeune Lidia grandit dans un environnement ravagé par l’alcool et la violence. Elle peine à trouver sa voie et passe par tous les affres de l’autodestruction. Elle fuit bientôt sa famille et entre à l’université où elle se retrouve grâce à l’écriture. Mettre des mots sur ses maux lui permet de pallier sa voix quasi muette depuis l’enfance. En osant écrire l’indicible, elle se débarrasse de sa haine et peut enfin guérir et avancer. 

Lidia s’est longtemps cherchée, a voulu tout oublier de son enfance volée par un père abusif et s’est perdue dans les vapeurs de drogues et d’alcool. Elle a tout fumé, tout bu ; a tout connu des hommes, les doux et les durs, avant de rencontrer le bon. En se plongeant dans la littérature, peu à peu, les mots lui offrent une liberté inattendue.

L’eau est l’élément vital de Lidia, sa passion et son refuge. La symbolique est forte tant la substance liquide est synonyme de purification des traumatismes et de renouveau. C’est ce sentiment de bien-être que Lidia tient à transmettre à son fils, une fois devenue une femme sereine et épanouie.

Lidia est interprétée par l’actrice britannique Imogen Poots qui l’incarne de ses 17 ans à presque 40 ans. Kirsten Steward dit d’elle qu’elle est l’âme du film tant sa prestation expose les différentes facettes du parcours de son personnage. C’est un rôle intense et exigeant qui demande à la fois intégrité et vulnérabilité.

Sur le chemin de sa reconstruction, Lidia rencontre de nombreux personnages. Le plus exubérant est sans nul doute l’écrivain psychédélique Ken Kesey, interprété par le non moins excentrique James Belushi. L’acteur américain incarne à merveille ce gourou littéraire, brut de décoffrage, qui devient une figure paternelle dont l’influence va révéler le talent de Lidia en la bousculant.

Pour se construire, il faut avoir pardonné à ses parents, dit-on. La famille offre un double visage, à la fois lieu de destruction dans l’enfance puis de reconstruction lorsque Lidia créé sa propre famille. Le sujet abordé peut être dérangeant mais la démarche de Lidia, qui choisit de pardonner à son père, est emprunte de force intérieure et de reprise en main d’une vie volée.

La réalisation est bien maîtrisée et le récit subtilement construit. La progression dans la narration est particulièrement prégnante à l’écran. Les images se consolident à l’unisson de l’évolution de Lidia. D’abord floues et saccadées, comme des souvenirs longtemps enfouis, elles se stabilisent et s’éclaircissent jusqu’à devenir nettes et posées au bout du chemin. 

Il s’agit de recréer la mémoire dans une forme libre. L’histoire se brise puis les morceaux se recollent. La structure est volontairement fragmentaire afin d’incarner la manière dont les souvenirs et traumatismes se recomposent. Tourné en 16mm plutôt qu’en numérique, le film insuffle un sentiment d’intemporalité. Présenté au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard, The Chronology of Water consacre Kirsten Stewart dans son nouveau rôle de réalisatrice. Voilà un début bien prometteur !

Anne Le Cor

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