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METEORS de Hubert Charuel

Le film met en scène deux jeunes gens, bien ancrés dans leur époque, mais qui n’ont pas totalement fini de grandir et dont l’amitié est aussi magnifique que toxique. L’action se déroule en Haute-Marne, département peu peuplé dont le réalisateur est originaire.

METEORS de Hubert Charuel, en collaboration avec Claude Le Pape. France, 2025, 1h48. Avec Paul Kirscher, Salif Cissé, Idir Azougli. Festival de Cannes 2025, sélection Un Certain Regard.

Critique de Philippe Cabrol, SIGNIS France

C’est l’histoire de Mika, de Dan, « glandeur professionnel » et de Tony, un entrepreneur à la tête d’une entreprise de construction. Leur survie à Saint-Dizier est fortement liée à leur amitié. Dan et Mika partagent un appartement, ainsi que des soirées arrosées d’alcool et de drogues, et des bêtises en tout genre. Interpellés suite à un vol, Dan et Mika doivent prouver qu’ils sont amendables en trouvant du travail et en rompant avec leurs addictions. Le jour de l’audience, une crise d’épilepsie met au jour une cirrhose chez Dan. Sauf à suivre une cure, ses jours sont comptés. Or, les amis rêvent de partir travailler dans un chenil à la Réunion.

Dan et Mika demandent à leur ami Tony de les embaucher sur le chantier en cours, celui des coffrages d’enfouissement de déchets nucléaires. Les deux compères commencent à travailler dans une poubelle nucléaire pour sauver leur peau : un boulot difficile, qui mettra leur amitié en danger. Si Dan se montre appliqué, Mika s’interroge sur le sens de son travail. Celui-ci se questionne, ce travail va aiguiser son sens critique, tandis que Dan poursuit sa chute

Météors trouve l’origine de son titre dans des apparitions célestes qui témoignent de la vacuité de l’existence et de la rapidité avec laquelle une étoile peut s’écraser sur le sol.

Mika et Dan sont comme des météores. Ils traversent, ils brûlent, et puis ils chutent. Ils s’intéressent à l’astronomie, ou podcasts, que Mika écoute pendant son sevrage, qui évoquent la mort des comètes. De plus, Daniel est un peu une étoile filante. Il illumine, puis disparaît. Et cette métaphore parcourt tout le film.

La thématique de la dépendance est centrale dans le film, mais elle est montrée avec pudeur. C’est le médecin du film qui décrit les conséquences néfastes de l’alcoolisme pour Dan.

Le film aborde aussi la question de l’écologie. Météors montre ce site d’enfouissement des déchets nucléaires, installé dans une région manifestement considérée par les pouvoirs publics comme un territoire sacrifiable mais qui a retrouvé « une santé économique » en accueillant les déchets nucléaires de la France. Le film a été tourné non loin du très contesté site d’enfouissement de Bure, et montre comment cette question de l’enfouissement, de l’intoxication du sol, fait écho à celle de l’intoxication des corps et des esprits. Les déchets sont acceptés pour améliorer la vie, en fermant les yeux sur les conséquences de demain.

Le plus beau et le plus touchant dans le long-métrage demeure l’amitié des deux jeunes protagonistes : une amitié belle, sincère, qui ressemble à une fraternité. Leur affection est intense, malgré leurs difficultés à surpasser les épreuves. Au cœur de leur amitié, se développent les ressorts d’une résilience. Mais surtout n’existe-t- il pas pour eux une perspective pour le rêve : un refuge pour chiens à La Réunion et le droit à choisir leur liberté ? Paradoxalement, leur amitié peut être aussi amitié toxique. Dan ne cesse d’emporter son ami dans des situations précaires, « des plans foireux » et le fait souffrir à cause de ses tendances autodestructrices.

Dans ce long métrage on ne voit pas leurs familles, leurs copines, seulement quelques femmes : juge, addictologue ou avocate, prêtes à aider les deux héros. Mika, qui paraît le plus responsable des deux, tente d’élever son ami vers une forme de sauvetage physique et moral, mais il n’ y arrive pas. Le meilleur allié pour trouver une aide n’est-il pas d’abord lui-même ?

La mise en scène s’efforce de conjuguer beaucoup de tendresse dans les rapports qu’entretiennent les deux garçons, mais surtout une grande dignité pour les gens de cette région. Hubert Charuel prouve sa capacité empathique en explorant la thématique de l’amitié, qui représente la promesse d’un salut, celui de s’extraire de ce quotidien sans éclat, mais aussi son lot d’épreuves, l’immaturité et les dépendances de Mika et de Dan. C’est un film nécessaire, sensible et résolument humain.

Philippe Cabrol

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