Grâce à la fiction, la réalisatrice nous permet de vivre le quotidien du docteur Denis Mukwege et de mieux comprendre comment et pourquoi il s’est donné pour mission de réparer le corps des femmes victimes de viols dans la République démocratique du Congo.
MUGANGA – CELUI QUI SOIGNE de Marie-Hélène Roux. France/Belgique, 2024 1h45. Avec Isaach de Bankolé, Vincent Macaigne, Manon Bresch, Babetida Sadjo.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
Mettre de la fiction dans une histoire vraie demande beaucoup de délicatesse et de distance. Il faut transformer des personnes ayant réellement existé en personnages, et donner l’essence de leur être en un temps très court. Mais il faut aussi avoir le courage d’exposer ce que beaucoup préfèrent ignorer. Pour montrer les horreurs faites aux femmes dans l’Est du pays par des mercenaires, Marie-Hélène Roux ouvre son film avec une scène choc. Prenant le spectateur occidental dans son fauteuil, elle montre sans fausse pudeur et par l’exemple, la violence des crimes sexuels à l’encontre de la population civile, arme de guerre systémique dans cette région. Ensuite, le récit se concentre sur la réparation.

Sans entrer dans les détails des désastres politiques de cette région d’Afrique, la réalisatrice centre son récit autour de la rencontre entre un chirurgien belge de renom, Guy-Bernard Cadière, et le docteur Mukwege, au début des années 2010. Ensemble, ils vont trouver les moyens d’opérer les femmes mutilées avec le moins de douleurs et de séquelles possibles, à l’hôpital Panzi, créé quelques années auparavant. Autour d’eux, plusieurs personnages, aux trajectoires différentes, de victimes ou de bénévoles, pour mieux comprendre l’action extraordinaire de Mukwege, que beaucoup voudraient éliminer.
Mukwege ne se considère pas comme un héros mais juste comme un homme profondément croyant et pieux, dont le destin est de mettre sa foi en pratique. Le destin l’a placé dans cette région à l’Est de la RDC, le Kivu où les milices font du meurtre et du viol une arme pour terroriser et contrôler un territoire riche en minéraux rares, et qui ont plusieurs fois tenter d’assassiner le docteur. Au péril de sa vie, il œuvre avec patience et douceur pour réparer les femmes meurtries.

Alternant les scènes de chirurgie (atmosphère étouffée, lumière tamisée et artificielle, écran de contrôle pendant les manipulations et blouses aseptisées) avec la vie à l’hôpital (couleurs claquantes des vêtements des femmes, jeux des enfants, chants spontanés et gestes du quotidien) et la maison familiale du docteur (sérénité et douceur des échanges autour de la table où la peur d’un attentat n’est jamais très loin), le film nous immerge complètement dans la vie ordinaire de l’hôpital Panzi. Ici, les femmes épuisées et meurtries viennent chercher réparation et trouvent consolation.
L’acteur Isaach de Bankolé donne une formidable prestance au personnage de Mukwege et forme un couple très équilibré avec Vincent Macaigne dans le rôle du médecin belge, à la personnalité si différente et lui tout à fait athée. Leurs discussions sur la foi sont presque aussi nombreuses que leurs échanges techniques à la veille d’une opération, et chacun respecte l’autre, comme tous respectent la déchirure des femmes. Malgré une certaine raideur dans le rythme Muganga, celui qui soigne est un film indispensable pour faire connaître au plus grand nombre l’action et le dévouement extraordinaire de tous ceux qui travaillent à l’hôpital Panzi, autour du docteur Denis Mukwegé.
Pour connaître et soutenir l’action du docteur Mukwegé, on peut visiter le site de la fondation qui porte son nom et celle de l’hôpital Panzi.
Magali Van Reeth

