C’est à un drôle de trio que nous convie le réalisateur canadien dans son film, dont le scénario est tiré du livre éponyme de l’avocat médiatique Roland Perez. Il s’agit donc d’une histoire vraie, celle d’une famille juive séfarade de la classe moyenne mais avant tout celle d’une mère et son fils.
MA MERE, DIEU ET SYLVIE VARTAN de Ken Scott. France/Canada, 2024, 1h42. Avec Leïla Bekhti, Jonathan Cohen, Joséphine Japy, Sylvie Vartan
Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France
Tout commence en 1963 lorsque Roland, le petit dernier de la famille Perez, naît avec un pied-bot. Sa mère, Esther, n’accepte pas le diagnostic des médecins et décide que son fils marchera, quoi qu’il en coûte. Sa détermination inébranlable et sa ténacité sans faille lui donnent raison. Au-delà de toutes espérances, son fils Roland devient un avocat de renom qui fréquente le Tout Paris jusqu’à vivre son rêve de rencontrer son idole d’enfance, Sylvie Vartan. Vient alors le temps de l’émancipation, passage douloureux pour la mère et le fils mais pour différentes raisons.

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan a de nombreux points forts. La reconstitution du Paris des années 1960 et 1970 est particulièrement soignée. Chacun pourra retrouver dans les décors de l’appartement des Perez un peu de son enfance à travers les tapisseries, les meubles ou même les ustensiles de cuisine. Le film jongle avec brio entre la comédie et un côté dramatique qui ne sombre jamais dans le pathos. Les moments les plus tragiques, comme la mort des femmes de la vie de Roland, sont suggérées plus que montrées et la vie reprend son cours, toujours émaillée de traits d’humours qui apportent sourires et légèreté.
Mais ce qui fait tout le suc du film est l’interprétation majeure de ses acteurs et en premier lieu celle de son actrice principale, Leïla Bekhti. Il faudrait plus d’un superlatif pour décrire sa prestation de mère juive omniprésente et omnipotente. L’actrice incarne Esther Perez dans toute sa fraîcheur de jeune mère jusqu’à son déclin de femme âgée. L’évolution physique du personnage est remarquable, aidée en cela d’un maquillage impeccable. Sans sombrer dans les clichés faciles, elle sait donner force et justesse à cette mère courage extravagante et émouvante.
Face à elle, Jonathan Cohen interprète Roland adulte avec plus de pudeur. Les deux acteurs qui l’incarnent plus jeune, Gabriel Hyvernaud et Naïm Naji, montent tout autant de naturel et de retenue. Quant à Sylvie Vartan, elle joue son propre rôle sans forcer le trait et agrémente même le film d’une de ses chansons les plus connues. Les personnages secondaires sont tout aussi savoureux mais la narration se focalise avant tout sur la relation très particulière entre Roland et sa mère, si bien que certains d’entre eux, les frères et sœurs notamment, disparaissent au cours du récit.
L’histoire devient très actuelle à la fin du film où l’on retrouve des stars de la radio et du petit écran dans des caméos amicaux. Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan est un long-métrage chaleureux et émouvant à la réalisation bien maîtrisée. Enchaînant les émotions, il se veut résolument optimiste et vise à rendre les gens heureux malgré les adversités de la vie. Il révèle l’amour maternel comme une force invincible et explore l’incroyable puissance de la foi en l’avenir.
Anne Le Cor