Pendant les événements de Mai 68, un petit garçon vit quelques jours chez ses grands-parents, une parenthèse fantasque dans une famille où les échos du passé résonnent avec une douce mélancolie.
LA CACHE de Lionel Baier. Suisse/France/Luxembourg, 2024, 1h30. Avec Ethan Chimienti, Dominique Reymond, Michel Blanc, William Lebghil, Liliane Rovère. Sélection officielle Berlinale 2025.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
Librement adapté du roman éponyme de Christophe Botlanski, la mise en scène s’adapte astucieusement à la fantaisie de cette famille. Le petit garçon a des parents contestataires qui le déposent chez ses grands-parents pour aller manifester. La grand-mère a la jambe raide et une discipline très stricte pour toutes les choses du quotidien, et le grand-père est un médecin avec d’étranges patients. Dans cet appartement, vivent aussi une arrière-grand-mère russe et deux oncles, déjà adultes. Le premier fait de la peinture, le second défait les mots.

Au fil des événements de ce joli mois de mai 1968, le réalisateur, à travers le regard de Christophe enfant, va convoquer le passé et l’imaginaire pour mieux montrer le côté fantasque et résilient de cette famille. Entre les étoiles jaunes que les juifs de France devaient obligatoirement porter pendant la Deuxième guerre mondiale, les travailleurs migrants des bidonvilles aux portes de Paris et un général en perdition, le spectateur n’est jamais à l’abri d’une nouvelle surprise.
Le cinéma de Lionel Baier sait toujours trouver un ton léger pour parler de sujets graves, comme dans La Dérive des continents (au sud) en 2023 sur l’accueil des migrants en Europe à la veille de la pandémie de la covid. Dans ce nouveau film, il met en scène la quintessence d’une histoire familiale douloureuse, avec un récit qui s’étale sur quelques jours à peine. Et rien n’est passé sous silence, ni la déchirure de la Shoah, ni l’appétit de vivre de chacun des membres, ni leur technique fantaisiste de contournement de la douleur, physique ou morale. A travers l’Art, le travail, l’analyse sémantique du langage ou la politique, chacun tente de timides sorties de cet appartement tentaculaire, tel un cocon protecteur, telle la matrice première, pour y revenir sans cesse chercher la tendresse et un sentiment de sécurité.
Magali Van Reeth