Dans un pays en guerre, où le nombre des morts défile presque en continu sur les écrans des téléphones, un pianiste et sa compagne acceptent toutes sortes de propositions rémunérées, dans un illusoire sentiment de liberté. A travers eux, le réalisateur questionne nos compromissions, notre aptitude à dire Oui ou Non.
OUI de Nadav Lapid. Israël/Chypre/Allemagne/France, 2025, 2h00. Avec Ariel Bronz, Efrat Dor, Sharon Alexander, Pablo Pillaud-Vivien Festival de Cannes 2025, sélection Quinzaine des réalisateurs.
Critique de Magali Van Reeth, SIGNIS France
Le film est découpé en trois parties : La belle vie, Le chemin et La nuit. Le récit prend place à Tel Aviv, en Israël, un an après les massacres du 7 octobre 2023. L’ouverture du film nous plonge dans une succession d’images tournoyantes, au cœur d’une fête chez les riches, où la musique est tonitruante et le comportement des invités sans limite. Le résultat est suffocant et nous met mal à l’aise, malaise qui évoque bien l’état de cette région du monde aujourd’hui, en plein chaos meurtrier. Pour les deux personnages principaux, Yasmine et Y., cette belle vie n’a rien de joyeux, malgré quelques moments de tendre intimité familiale et cet amour si fort qui les unit.

Le couple, lui pianiste et un peu clown triste, elle danseuse aux poses suggestives, anime les fêtes de ceux qui peuvent s’offrir leurs services. Et des fêtes et des riches, il y en a toujours dans ce pays en guerre. Depuis la naissance de leur fils, Yasmine et Y. ont perdu une partie de leur insouciance et, pour gagner l’argent, sont prêts à beaucoup, y compris à se prostituer sans état d’âme. Pourtant, lorsqu’un chef de guerre commande un hymne vengeur à Y., ils réagissent différemment.
Pour chercher l’inspiration, Y. part à la dérive, entre désert et mer morte, incapable de dire non à tout ce qui se présente. Dans ce chemin à travers de superbes paysages où la guerre semble avoir été oublié par les touristes sur la plage, il va s’approcher au plus près des zones de combats, et dans le bruit des mortiers, des incendies et des actes barbares, nourrir sa musique, ou aller jusqu’au limite de sa culpabilité, de sa résignation.
Malgré des couleurs très vives, des musiques festives, une ambiance très poisseuse parcourt tout le récit, à l’image de ces sociétés hantées par la violence et les réactions outrancières pour s’en détacher. Pourtant, au milieu du film, une scène du piano à 4 mains est un véritable interlude de joie simple, de bonheur musical et d’entente parfaite entre ceux qui jouent et ceux qui écoutent. Moment d’espérance ? Pour le réalisateur, Oui est un film boulimique, ancré dans le présent dont il veut attester, évoquant la résignation des uns, la lâcheté des autres. Collant à l’actualité, il montre la difficulté d’un quotidien hanté par une guerre fratricide, où l’amour peut perdurer dans le chaos.
Magali Van Reeth

