MédiasLes Chroniques CinémaLAISSEZ MOI de Maxime Rappaz

LAISSEZ MOI de Maxime Rappaz

Claudine est une femme cinquantenaire. Elle vit une double vie qu’elle partage entre son fils handicapé et les rencontres régulières avec des hommes.

LAISSEZ MOI de Maxime Rappaz. Suisse/France, 2023, 1h33. Avec Jeanne Balibar, Thomas Sarbacher, Pierre-Antoine Dubey, Véronique Mermoud

Critique de Diane Falque, SIGNIS France

Un été dans la vie d’une femme. Dans la voiture d’un train, une unique passagère est assise de dos, et nous découvrons avec elle le paysage grandiose des montagnes environnantes. L’ouverture du film nous emmène d’emblée dans son monde. Le réalisateur a choisi comme lieu de tournage la région du Valais, en Suisse, avec ses vallées, ses massifs magnifiques et son barrage de la Grande Dixence.

Il est tellement étonnant de voir une femme avec des bottines à talons à 2500 m d’altitude ! Nous comprenons que ce temps passé là-haut est comme une récréation, une autre respiration, il se dégage un sentiment de grande liberté intérieure. Majestueuse, Jeanne Balibar interprète avec grâce cette femme cinquantenaire, élégante et belle, qui n’a pas peur de ses désirs et qui a décidé de partager régulièrement des moments sensuels avec des hommes tout en protégeant sa vie privée.

La topographie du lieu est très intéressante, car elle évoque, selon le réalisateur, comme une circulation du désir dans l’espace. Les chutes du barrage sont vertigineuses. Le film nous conte une double vie : les autres jours en plaine et ce temps intermédiaire en altitude comme une allégorie. Aucune interaction entre les deux.

Car dans ce mélodrame, il est d’abord question de l’intime. Dans l’hôtel, une véritable chorégraphie se met en place pour favoriser les rencontres, dans une ambiance feutrée avec son intérieur bois, ses lampes tamisées, ses chambres exiguës.

En plaine, sa vie personnelle est tout autre, partagée avec son fils handicapé. Voici le second grand thème du film : l’amour, le courage, la résilience, la patience, la douceur d’une mère pour son enfant porteur de handicap. La caméra prend le temps de nous dire l’immense fierté de cette femme pour son fils, la complicité entre eux. Beaucoup de phrases se terminent par un geste.

A partir d’un scénario très littéraire, le film nous dresse le portrait d’une vie organisée. Tous les gestes de Claudine au quotidien sont calculés, programmés, répétitifs, réglés comme du papier à musique.

C’est à travers ces gammes très maîtrisées que nous assistons à l’irruption de l’inattendu, lorsque se glisse tout doucement un tiers dans ce rouage si bien huilé. Très finement, ce nouveau sentiment amoureux qui naît, qui suspend le temps, qui permet l’interdit, et donne le tournis dans une vie qui pourrait bien se réinventer.

Le cri final est à la fois geste et mot  »il fallait que ça sorte ».

Diane Falque

Latest

More articles