Mexico 1986, la Coupe du Monde résonne encore chez les passionnés de football. Le titre du deuxième long-métrage de César Diaz est trompeur car ce n’est pas vraiment le sujet du film. Le lieu et la date replongent le réalisateur belgo-guatémaltèque dans son enfance. Son film expose le choix cornélien d’une mère, tiraillée entre son fils et la cause pour laquelle elle se bat.
MEXICO 86 de Cesar Diaz. Belgique/France, 2024, 1h29. Avec Bérénice Bejo, Fermin Martinez, Leonardo Ortizgris, Julieta Egurrola. Festival de Locarno 2024, Piazza Grande.
Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France
Tout commence dans la fureur et dans le sang. Maria voit son mari être abattu en pleine rue et sous ses yeux, alors qu’elle tient leur nouveau-né dans ses bras. Rester au Guatemala devient trop dangereux pour elle et il lui faut fuir le pays en proie à la guerre civile. Mais ce sera sans son tout jeune fils qu’elle laisse à la garde de sa mère. Au Mexique, elle refait sa vie et continue sa lutte contre la junte militaire guatémaltèque. 10 ans plus tard, elle retrouve son fils Marco car sa mère, gravement malade, ne peut plus s’occuper de lui. Comment faire famille alors que l’on mène une vie clandestine où le danger est sans cesse présent ?

Dans Mexico 86, comme dans le précédent film de César Diaz, Nuestras Madres, la petite et la grande histoire sont intimement liées. Le réalisateur se focalise sur la guerre civile au Guatemala dans les années 1980 et ici, sur le personnage de Maria, inspiré par sa mère. Il propose un cinéma très réaliste et fixe sa caméra sur les personnages, laissant les arrière-plans flous. L’époque se voit à l’image et se reflète dans les cheveux courts de l’actrice principale, Bérénice Béjo.
C’est elle qui interprète Maria, le personnage au cœur de l’intrigue. Elle campe une femme à la fois forte et fragile en tant que mère et une militante toujours solide dans ses actions et sa détermination. La comédienne franco-argentine partage avec le réalisateur d’avoir quitté son pays d’origine, en Amérique latine, pour fuir une dictature militaire. Maria est une femme en mouvement, sans cesse sur ses gardes et qui multiplie les apparences dans un ballet de perruques et d’identités nouvelles.
Mexico 86 offre une double perspective. Il y a un fort contraste entre l’intensité des scènes d’actions et l’intimité du huis-clos familial. Maria et son fils Marco, interprété par le jeune Matheo Labbé, se retrouvent en toute proximité quand ils échangent dans la pénombre de leur alcôve cachée. La musique se met alors au diapason et devient si intimiste que l’on entend même le son des cordes du piano frottées et frappées. La mise-en-scène s’emploie à sans cesse séparer et rapprocher la mère et le fils.

La musique accompagne aussi les moments de menace et d’angoisse. Elle soutient la tension dans les scènes d’action, quand Maria s’enfuit dans la foule ou lors de la poursuite en voiture qui se finit en fusillade. L’intensité des scènes est renforcée par l’usage de plans rapprochés qui focalisent l’attention sur la réaction des personnages face au stress de la situation. Le mariage entre l’image et la musique fonctionne à merveille.
Mexico 86 est un thriller à la fois intime et psychologique qui tient le spectateur en haleine constante. Ce dernier ne sait rien de la situation du départ, le réalisateur ne distillant que des indices au fil de l’eau. Il appartient donc au spectateur de rassembler toutes les pièces du puzzle pour comprendre qui est qui et toucher du doigt ce qu’est une vie passée dans la clandestinité. Partiellement autobiographique et tourné en espagnol, le film mêle habillement tendresse et tension dans souffle militant.
Anne Le Cor