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L’ILE de Damien Manivel

Rosa, 18 ans, et sa bande d’amis ont décidé de passer la nuit sur « l’île », un bout de plage quelque part en Bretagne. C’est la dernière soirée de l’été pour les sept adolescents. C’est aussi le temps des adieux. Le lendemain, Rosa part à Montréal commencer une nouvelle vie.

L’ILE de Damien Manivel. France, 2023, 1h20. Avec Olga Milshtein, Jules Danger, Damoh Ikheteah, Rosa Berder

Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France

Le film se dévoile à travers le regard omniscient de Rosa. Le thème central est celui de la perte, qui est inévitable lorsque l’on entame un nouveau départ. Il est question de la fin de l’adolescence, des amis d’enfance que l’on quitte et de cette déchirure à la fois douloureuse et délicieuse qui vous étreint quand la vie vous mène vers un avenir prometteur. L’idée directrice est celle du souvenir et des traces qui nous restent à travers les gestes et les paroles qui ont marqué.

L’île est le sixième long-métrage du réalisateur brestois Damien Manivel. Il arrive après le très intimiste Magdala qui était également centré sur les gestes précis et la parole rare et précieuse de son héroïne. Pourtant le réalisateur explique que son nouveau film est différent de ceux d’avant. Il débute comme une fiction pure avant de basculer vers le documentaire en montrant l’envers du décor. La fin de l’adolescence et le caractère éphémère de la réalisation du film lui-même se retrouvent mis en parallèle.

Le tournage était prévu en plan séquence avec une préparation comme au théâtre et tout devait être tourné d’une traite pour plus de cohésion. Damien Manivel a filmé les répétitions et le processus de création pendant deux semaines. Le film s’est ensuite construit à partir des rushs ainsi obtenus. L’écriture elle-même s’est faîte ensemble, avec les comédiens et toute l’équipe. Le réalisateur reconnaît avoir des tournages toujours assez chaotiques mais qui prennent forme au final.

Les images sont souvent floues et la caméra subjective bouge constamment si bien que l’on pourrait imaginer que c’est un des adolescents de la bande qui filme l’histoire. On voit plusieurs fois la même scène comme si l’on pénétrait le subconscient de Rosa qui veut garder en mémoire chaque instant. La jeune femme est interprétée avec gravité et spontanéité par Rosa Berder.

Le travail de création s’est fait à partir des acteurs. Pour certains d’entre eux, il s’agit là de leur première expérience cinématographique et ils ont gardé leurs vrais noms. La voix off vient ajouter du ressenti au récit. Le début et la fin se rejoignent en une boucle qui donne du sens à l’enchaînement des différentes scènes, entre le travail de création de la fiction et le résultat.

Au bout du bout, L’île existe vraiment et c’est une véritable renaissance car le film est mort plusieurs fois. Le tournage, qui devait avoir lieu à la fin de l’été, a été annulé pour cause financière. Mais de l’aveu même de Damien Manivel, le film s’est imposé à lui. À la fois fiction et réalité, récit de passage de l’adolescence à l’âge adulte et mise en abîme, L’île se révèle être une véritable expérience cinématographique.

Anne Le Cor

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