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LA PROMESSE VERTE d’Edouard Bergeon

Pour parler de la déforestation consécutive à la production d’huile de palme, Edouard Bergeon propose une fiction dans le double registre d’un drame et thriller. Il réussit un film politique engagé qui ne manquera pas de faire réagir et réfléchir. 

LA PROMESSE VERTE d’Edouard Bergeon. France, 2023, 2h00. Avec Alexandra Lamy, Félix Moati, Sofian Khammes, Julie Chen

Critique de Patrick Lauras, SIGNIS France

Pour terminer sa thèse d’anthropologie, Martin réalise un stage dans un centre médical en Indonésie sur l’île de Bornéo. Il est alors témoin du chantage au départ exercé à l’encontre d’une tribu Dayak – habitants natifs de l’Ile. Il en vient même à filmer un saccage, chose qu’il eût mieux valu ne pas voir… S’amorce alors une descente aux enfers, de fil en aiguille il se retrouve emprisonné, jugé et condamné à mort.

Pour tenter de le sauver, sa mère Carole se lance dans une quête de vérité et un combat sans fin car les causes de ce drame écologique et anthropologique sont systémiques. La narration ne s’arrête jamais et on se laisse prendre volontiers même s’il y a des facilités de scénario, une fin sans réelle surprise et une mise en scène un peu appuyée.

Mais là n’est pas l’intérêt principal du film. Progressivement, le scénario met en scène des responsabilités à tous les niveaux. Des sociétés locales aux méthodes expéditives achètent et rasent la forêt pour réaliser des plantations – la caméra sert des images stupéfiantes sur la forêt primaire de Bornéo, sur les travaux de destruction et les palmeraies qui la remplacent. Les industriels des pays développés qui transforment, commercialisent et utilisent l’huile de palme dans tous ses états veillent à la pérennité de leur approvisionnement. Les gouvernements – indonésien en premier lieu et français pour ne pas fâcher ce dernier – protègent à leur tour le système.

L’intrigue est une fiction pure, mais les informations sous-jacentes sont vraies. La promesse verte, c’est l’incorporation d’huile de palme dans les biocarburants, bien moins chère que celle de colza produite en Europe. La question a effectivement donné lieu à une longue bataille politico-parlementaire, évoquée dans la dernière partie du film (tranchée depuis avec son interdiction à l’horizon 2030).

En adoptant le point de vue de Martin, dans la première partie du film, avec des scènes poignantes tournées dans des véritables cellules, des audiences dans un véritable tribunal, puis celui de Carole dont nous épousons le combat (magnifique Alexandra Lamy !),  Edouard Bergeon emporte notre émotion et fait mouche avec une belle relation mère-fils. Il présente d’ailleurs son film d’abord comme un drame. Ce faisant émerge la question sous-jacente : qu’aurions-nous fait à la place de Carole ? Quelle est la limite morale d’un tel combat, si la vérité est sacrifiée pour la liberté ? Martin lui-même se retrouvera confronté à ce déchirement de conscience.

Patrick Lauras

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