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LA SALLE DES PROFS d’Ilker Çatak

Alors qu’une série de vols a lieu en salle des profs, Carla Nowak mène l’enquête dans le collège où elle enseigne. Très vite, tout l’établissement est ébranlé par ses découvertes.

LA SALLE DES PROFS d’Ilker Çatak. Allemagne, 2023, 1h39. Avec Leonie Benesch, Michael Klammer, Rafael Stachowiak, Anne-Kathrin Gummich.

Critique d’Anne Le Cor, SIGNIS France

Filmer l’école est un genre en soi, particulièrement en Allemagne où le cinéma semble apprécier le milieu scolaire. On se rappelle du film La Vague de Dennis Gansel qui défraya la chronique en 2009. Avec La Salle des profs, le réalisateur turc Ilker Çatak utilise un collège de province comme microcosme de la société allemande avec en son sein une enseignante intègre qui, voulant bien faire, va entraîner une série de réactions en chaîne qui vont déstabiliser la communauté éducative toute entière.

L’établissement est le lieu unique où se déroule l’intrigue et rien n’est montré en dehors de l’enceinte scolaire. La tension, suite à une série de vols, va se propager à tous ceux qui le fréquentent : professeurs, élèves, parents et personnels. Carla Nowak est professeur de mathématique et de sports. Elle est exigeante avec elle-même et bienveillante avec ses élèves. Son rôle se limite à cela et l’on ne sait rien d’autre d’elle, aucune information d’ordre privé n’est divulguée.

Elle est le fil conducteur du film qui nous est délivré de son point-de-vue. Un premier vol a lieu dans une classe et Clara est révoltée par la manière dont sont interrogés les enfants. Un professeur demande à deux élèves de dénoncer celui qui aurait pu voler une somme d’argent. Mais lorsqu’un second vol se produit dans la salle des professeurs, elle est interpellée et décide de rompre avec sa droiture habituelle : elle laisse la webcam de son ordinateur allumée.

La caméra suit Carla en permanence et se concentre sur ses émotions qui vont de l’empathie à la révolte en passant par l’incompréhension. Le rôle est brillamment interprété par Léonie Bennesh. L’actrice allemande mène de main de maître cette intrigue haletante qui ne souffre pas de temps morts. Elle est entourée de jeunes acteurs impressionnants dans le rôle des collégiens. Leur naturel et leur spontanéité donnent une véritable authenticité au récit qui sonne juste.

La Salle des profs est un film rondement mené avec une mise en scène efficace et sans fioritures, servie par un rythme qui ne faiblit pas. Le scénario est captivant et le suspense tient en haleine jusqu’au bout. La thématique brosse un portrait de la société allemande travaillée par la diversité des psychologies, les stéréotypes et les préjugés envers les étrangers et le harcèlement constant entre des enfants irrespectueux, des parents susceptibles à la moindre remarque sur leur progéniture et un corps enseignant qui marche sur des œufs. La critique du système éducatif est perceptible à travers l’expression d’un concentré d’injustices, d’inégalités, de règles et de hiérarchie.

Ilker Çatak propose un jeu de dominos à la tension ascensionnelle et aux allures de thriller psychologique. Au cœur du chaos, Carla s’accroche à ses valeurs inébranlables même si son impartialité et son objectivité sont mises à mal et mènent à la dérive. La Salle des profs s’avère au final un film assez surprenant, avec des dialogues intelligents et des relations humaines finement décortiquées. Un bon exercice en somme que d’utiliser l’école comme miroir de la société toute entière.

Anne Le Cor

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